Conte de Noël, et première sculpture immatérielle « d’Invisibles mémoires » en hommage à mon père.

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Février 1956. La neige vient de tomber sur notre campagne gaillacoise si rayonnante quand le soleil brille, un vrai bonheur pour nous, enfants, dans cette blancheur, car il neige si rarement dans notre région où se lovent les vignes sur les pentes des coteaux : voir de la neige sur les rives du Tarn, est déjà un rêve éveillé !

Nous sommes une famille heureuse. Ma mère nous raconte la comtesse de Ségur, les splendeurs de Babylone, et nous lit Aragon. Ma grand-mère nous cajole et nous couvre de mille friandises entre ses trajets pour nous quasi-initiatiques, du potager au poulailler ou aux écuries, avant son retour au fourneau.

Mon père sculpte, peint, et ne laisse rien échapper de la beauté du monde, entre deux allers-retours à la vigne.

Il faut dire qu’il vient de replanter tout son vignoble, vieilles souches arrachées pour des cépages plus nobles, y mettant plus que tous les avoirs du foyer, avec la charge d’un énorme emprunt qu’il faudra bien rembourser lorsque le raisin des futures vendanges viendra combler le vide de nuits sans sommeil.

Et pour nous, petits enfants aux yeux écarquillés comme des cristaux de neige sous la boréale lumière que nous imaginons illuminer les jeunes pousses de vigne recouvertes de l’extraordinaire manteau blanc sont une taïga en miniature d’où pourrait bien surgir à nouveau le père Noël, son traîneau, et ses rennes revenant pour nous enchanter.

Alors, je photographie ma mère, mon père, ma sœur et mon frère à l’entrée de la ferme familiale, parce que ce jour est unique, et qu’en fils aîné sensible à la fragilité de l’instant j’en suis le reporter pour l’éternité, usant avec fierté de cet appareil photographique à soufflet estampillé de la prestigieuse marque Kodak, que mon père avait offert à ma mère pour Noël…

Juin 1956. Il y a longtemps que la neige a fondu. Il a regelé en mai. Incroyablement.

Il avait déjà gelé si fort en février, que les jeunes pousses où nous imaginions voir arriver le Père Noël avaient été anéanties en quelques nuits. Mon père faisait bien brûler de vieux pneus aux quatre coins de la vigne, mais rien n’y avait fait.

Et là en mai, ce fut l’anéantissement total : plus une seule pousse ne survécut ! Une douzaine d’hectares, imaginez. Mes parents étaient ruinés.

Nous sommes déjà en juin, mon père doit assumer ses dettes, nous nourrir à tous, alors, il a entrepris une formation accélérée de monteur en chauffage central car c’est un secteur d’avenir où on embauche, le seul moyen pour lui de survivre face à l’adversité et aux traites qui commencent à tomber.

Il a revendu le cheval, la voiture, et acheté aux enchères une vielle moto avec laquelle il part au petit jour rejoindre son travail à Albi, revenant le soir harassé, mais sans perdre de son acharnement à vivre et à vouloir nous rendre heureux.

Il ramène souvent des chutes de tuyaux, ces tubes d’acier qu’ils scie et soude toute la journée pour y brancher les radiateurs qui vont propager la douce chaleur révolutionnant le confort des douillets appartements des habitants de la ville.

Les tubes s’entassent dans le hangar, où un jour, mon père monte une forge. Il prend un marteau, et sur une enclume que lui a donné un vieux forgeron, il s’acharne sur les tubes de fer, y projetant toute sa rage, tout son désespoir, toutes ses nuits d’angoisse, les transformant en un petit petit vendangeur qui porte sur sa tête le panier des abondantes récoltes qu’il ne connaîtrait jamais.

Un exorcisme, une conjuration, une supplication je vous dis.

Cinq ans plus tard, le petit vigneron d’acier est toujours là, dans un tas de ferraille derrière la forge, au rebus des sculptures ratées dans lesquelles mon père puise pour en forger de nouvelles, montagne de gratture que nous voyons monter d’année en année en même temps que sa notoriété de paysan-forgeron-sculpteur, prodige des arts dont nous découvrons un reportage grand écran aux actualités cinématographiques juste avant l’entre-acte, en allant admirer « Le monde du silence » du commandant Cousteau !

C’est sa première sculpture qu’il a bien voulu me donner, lorsqu’il allait la refondre pour en forger une nouvelle.

Elle est toujours là près de moi, et je vous l’offre ce soir avec toute la symbolique qu’elle porte en elle en cette nuit de Noël, où on peut renaître à soi-même, avec l’espoir vainqueur de chaque sorte de détresse. Dans la symbolique de ce qu’à travers la nativité, nous apprennent toutes les valeurs dont le mot « famille » se revêt.

Je vous invite à revoir qui mon père était dans la vidéo que je lui ai consacrée lors de son exposition posthume de la Galerie à Bozouls (à visionner en bas de l’article que j’avais écrit à ce moment-là).

Et parce que toute chose est renaissance et porteuse de cet espoir que le visible nous cache dans les vendanges de l’invisible, je partage avec vous aujourd’hui l’hommage que je lui rends avec ma première sculpture immatérielle, représentant cette tête désincarnée signifiant la puissance de l’esprit sur la matière, aux couleurs bleues de l’énergie intemporelle des forces de la fraternité et de l’amour, l’enseignement essentiel transmis par mes parents, ma mère, mon père, ma grand-mère.

Attendez quelques instants que la sculpture virtuelle ou plutôt « immatérielle » apparaisse partiellement dans un coin de la fenêtre en bleu sur fond noir : on n’en voit qu’un petit bout mais double-cliquez sur l’écran et elle se positionnera au centre de la fenêtre. Vous pourrez l’observer sous tous les angles en la faisant pivoter avec la souris, et pour la voir en entier et en diminuer la taille, c’est en faisant tourner la roulette de la souris que vous y arriverez.

Si vous n’arrivez pas à bien la visualiser, j’en copie une photo au bas de cette page.

Celles et ceux d’entre-vous équipés (es) d’un casque de Réalité Virtuelle peuvent la visualiser en « grand » en l’installant chez eux à l’emplacement qui leur conviendra, en faire le tour, la traverser, etc.

C’est la première sculpture virtuelle dédiée à mon père, pour qui l’homme (au sens « être humain ») était au centre de l’œuvre et de ses réflexions créatives. Elle est encore maladroite, car j’apprivoise à peine l’outil avec lequel elle est réalisée. D’autres graphistes et créateurs informaticiens font bien mieux que cela, mais je lui dédie tout de même cette première « œuvre » parce qu’elle est la toute première, espérant qu’elle sera l’aînée d’une grande famille.

Et en lui rendant hommage, je regarde avec tendresse sa première sculpture à lui : ce petit vigneron de métal portant sur sa tête un « desk » (grand panier circulaire) rempli de raisins lors des vendanges, quand elles étaient abondantes dans son vignoble de Gaillac sur Tarn avant que la terrible gelée de 1956 ne le détruise en totalité, ce qui allait amorcer le virage de son existence et le métamorphoser de commerçant – vigneron, en artiste bientôt internationalement reconnu…

Mais ce n’est que le début de l’histoire…

Wait a few moments for the « virtual sculpture » to appear in front of you: it floats in space, but you can rotate it with the mouse to see it from all angles, decrease or enlarge its size thanks to the wheel on the mouse.
Those of you equipped with a Virtual Reality helmet can view it in « large » by installing it at their place in the location that suits them, go around, cross it, etc.
It is the first virtual sculpture dedicated to my father, for whom man (in the sense of « human being ») was at the center of the work and his creative reflections. It is still awkward, because I barely tame the tool with which it is made. Other graphic designers and computer creators do much better than that, but I still dedicate this first « work » to her because she is the very first, hoping that she will be the oldest of a large family.
And paying tribute to him, I look tenderly at his first sculpture: this little metal wine grower carrying on his head a « desk » (large circular basket) filled with grapes during the harvest, when they were abundant in his Gaillac vineyard on Tarn before the terrible frost of 1956 destroyed it entirely, which was to initiate the turn of its existence and transform it from trader – winemaker, to an internationally recognized artist…

« Vigneron au desk » Première sculpture du sculpteur – forgeron JEAN MARC

 

« Vigneron au desk » :
Ce vigneron portant sur sa tête un « desk » (de « desko » ou « desco », en occitan grand panier de formes rondes) rempli de raisins, pendant les vendanges, et se dirigeant vers le fouloir posé sur les comportes en bout de vigne, est la première sculpture connue de JEAN MARC.
Bien plus que le petit personnage dont elle est l’effigie, c’est la destinée de l’artiste vigneron ruiné par la gelée de 1956, mais découvrant l’usage du fer pour modeler l’avenir dont il porte le symbole de nouvelles vendanges que cette petite sculpture visionnaire et prophétique représente, car réalisée bien avant que JEAN MARC choisisse la sculpture métallique et la forge comme nouvelle orientation professionnelle.

« Winemaker at the desk »:
This winemaker carrying on his head a « desk » (from « desko » or « desco », in Occitan large basket of round shapes) filled with grapes, during the harvest, and heading towards the crusher placed on the stands at the end of the vine , is the first known sculpture by JEAN MARC.
Much more than the little character of which she is the effigy, it is the destiny of the winegrower artist ruined by the frost of 1956, but discovering the use of iron to shape the future of which he carries the symbol of new harvests that this little visionary and prophetic sculpture represents, because it was made long before JEAN MARC chose metal sculpture and forged it as a new professional orientation.

 

Photo de la sculpture immatérielle « Hommage à mon père ».

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